Olivier Nord est un artiste aux multiples talents.
Architecte de formation, puis photographe, il développe des œuvres mêlant la finesse du dessin technique et la richesse chromatique de la peinture.
Il sait capturer l’instant comme dans le tableau “Le festin”, ou “Le Radeau II” qui évoquent des scènes de vie, mais s’adonne aussi à une approche très contemplative du paysage.
Une photographie ? Non, mais notre œil reste bluffé jusqu’à ce que … tellement près du tableau, on voit les coups de pinceau d’une extrême justesse.
Entre hyperréalisme et surréalisme on se laisse facilement emporter par ses lignes qui décalent notre point de vue et nous guident vers le mouvement d’une vague comme dans la “La Gravière” ou le coton des nuages de l'”Horizon”.
Soutenu par une palette de couleurs souvent pastel, Olivier nous fait entrer dans un monde entre rêve et réalité qui perturbe les codes de notre perception.
Olivier, peux-tu nous décrire un peu ton parcours?
J’ai grandi dans une petite ville du département de la Loire (entre Lyon et Clermont). Un lieu idéal pour grandir et se développer au grand air, mais moins évident pour être sensibilisé à l’art et la culture en général. Par chance, j’ai eu un professeur d’art plastique au collège qui s’occupait également de l’option « Art » du lycée, qui m’a permis de découvrir ces pratiques et d’y déceler un attachement profond. Pour autant, après la terminale, je crois que je ne me sentais pas encore ‘légitime’ pour aller aux beaux-arts. C’était un monde un peu étranger à ce que je connaissais jusqu’alors… C’est finalement vers l’architecture que je me suis tourné, en voyant la sœur de ma copine de l’époque faire des maquettes et des dessins… Une bouffée d’air pour moi après un bac scientifique. L’architecture m’a énormément plu, mais les contraintes du métier d’architecte un peu moins… Puis c’est surtout durant mon année Erasmus à Séville en 1999, par la découverte d’une exposition de photographies contemporaines consacrée à l’Architecture que j’ai compris que je pouvais moi aussi emprunter cette voie. Je pratiquais alors la photographie de façon assidue, principalement des photos de skate !!
J’ai donc fini mes études d’architecture avec ce nouvel objectif artistique en tête. Mon travail de diplôme passé en 2004, sera d’ailleurs mon premier projet artistique (Images dans la ville / Image de ville 2004-2005). Après j’ai commencé à exposer et à collaborer d’abord avec la galerie Solo à Lyon puis avec la Galerie Les douches à Paris. En 2009, j’ai obtenu une résidence de deux ans à Madrid, au sein de la Casa de Velázquez. C’est à partir de là que je me suis vraiment considéré comme lancé dans la démarche artistique que je poursuis aujourd’hui !
Comment passe-t-on de l'architecture à la photographie et à l'art?
Au hasard des rencontres et en suivant mon instinct.
Je me suis intéressé à la photographie à l’âge de 15-16 ans en voyant une copine utiliser un boîtier Nikon manuel. J’aimais bien dessiner, mais je n’avais alors jamais poussé très loin mes recherches. Alors qu’avec la photographie au contraire, je vais me montrer très méticuleux et vorace en apprentissage.
Pour l’archi’, cela s’est fait un peu par hasard également. A la fin du lycée, j’en avais assez des abstractions mathématiques et des équations de physiques. Je voulais quelque chose de concret. Comme je l’ai dit précédemment, c’est en voyant travailler la sœur d’une copine les weekend avec du papier et du carton, que je me suis dit que cela pourrait être intéressant. En plus de l’aspect « pratique », matériel, je crois que je cherchais aussi quelque chose d”artistique ‘ ou du moins créatif, mais qui puisse s’accorder avec mon bagage scientifique et mes connaissances de l’époque…
J’ai adoré ces études : la variété des disciplines, l’autonomie, et une partie de l’esprit ‘archi’. Mais j’ai vite compris que le métier ne serait pas aussi libre et créatif que les études, car soumis à un commanditaire, son budget et son ‘goût’…
Et c’est donc au cours de mon année d’échange Erasmus à Séville, où je m’étais bricolé mon premier atelier, que l’envie et la nécessité de produire des images s’est affirmée. Gursky, Ruff, Sugimoto, Wall, Basilico,… sont les premiers photographes ‘contemporains’ que je découvre. Ils me permettent ‘enfin’ de relier photographie, architecture et art. Je me sens alors très proche de la vision qu’ils développent : grand format, objectivité, mise à distance, neutralité, paysage…
C’est ainsi que je vais finir mes études en réalisant deux mémoires sur la représentation de l’architecture en photographie, puis passer mon diplôme avec un projet mêlant ces trois disciplines. Aujourd’hui, je continue de vivre entre ces trois pratiques au quotidien. Cela fait maintenant 10 ans que je travaille à faire évoluer la maison où nous vivons. Je peux ainsi mettre à profit mes apprentissages. Avec ma compagne, on investit cette maison et son jardin comme notre terrain de jeu. Une petite ‘utopie’ pour lutter contre un monde aveugle au dérèglement climatique. La photographie, je la pratique avec mon téléphone, et je l’envisage comme un carnet de note. Et l’art, et bien c’est à l’atelier, au quotidien, en alternance avec le chantier !
Pourquoi la peinture graphique?
Cela s’est fait là aussi par hasard ou plutôt par la force des choses… Après l’obtention de mon diplôme, je vais commencer à bosser en indépendant à Lyon dans l’imagerie de rendus pour les concours d’archi, puis comme photographe, spécialisé en architectures et paysages. En parallèle, je poursuis mes recherches perso. Je pratique la photo à la chambre, beaucoup de paysages, puis je scanne mes négatifs et réalise la production des images sur mon ordinateur avec Photoshop. Mais à force d’intervenir sur ces images : de les détourer, d’utiliser le tampon pour masquer des zones, puis d’investir dans une palette graphique pour être plus précis, j’ai pris conscience que ces petits carrés de pixels pouvaient être utilisés comme une ‘matière’ ou plutôt comme une surface malléable, qui rappelle en ça, la peinture à l’huile. J’ai alors voulu utiliser ces pixels pour refabriquer mes images. C’était en plus un champ graphique tout neuf avec plein de trucs à découvrir, et cette idée me plaisait bien. Je pouvais réaliser des photographies prisent sur le vif avec un appareil léger, puis les détourer et les assembler pour réaliser une composition, comme une esquisse de basse définition. La palette graphique me permettait alors de pouvoir agrandir cette image et lui donner une nouvelle surface adaptée à son format. C’est avec ce projet que j’ai pu aller passer deux ans à Madrid. C’est aussi à partir de là que je vais arrêter d’avoir une production purement photographique.
Quels sont tes artistes préférés?
Les peintres de Chauvet ou Lascaux, Cézanne, Picasso, les dessins de Van Gogh, Vallotton, Gauguin, Hokusai, Giotto, Manet, Velázquez, Caravage, De Chirico, Bacon, Wall, Rauch, Richter, Oba, Hockney, … (Soit une histoire de l’art encore trop masculine !). Mais aussi Giorgia O’Keefe, Ambera Wellman, Juliette Jouannais, ou Jacqueline Marval, que j’ai découvertes dernièrement !
Peux-tu nous parler de tes passions, des sujets qui t'inspirent ?
Mes passions : la curiosité, l’apprentissage, la randonnée, le surf, le skate, le vin, la marie jeanne, la musique jouée et écoutée, la radio, la pensée, toutes les formes de concrétisation de l’intelligence humaine, le Ashtanga, la sobriété, …
Ce qui m’inspire, c’est de rester disponible à mon intuition, à mon ressenti… un léger pas de côté. Il faut qu’il y ait un désir ou une réaction au monde qui m’entoure. Les sujets viennent avec des scènes vues que je photographie, des arrêts sur image de vidéos prises sur Internet, des dessins perso’. Après, c’est une question de représentation qui se pose.
Quels sont les supports et outils que tu préfères ?
Le marteau piqueur, la meuleuse,… ;)) non, en fait, depuis le confinement mes productions se partagent entre deux supports : Le papier et l’écran.
Ce que j’aime avec le papier, c’est sa sobriété. C’est le geste le plus simple qui soit, et malgré tout quand on prend une feuille tout est encore possible ! C’est aussi la lenteur et le temps qui passe. Et c’est aussi un objet physique que l’on peut toucher. J’alimente des carnets à l’atelier ou en voyage, avec des paysages et des portraits.
Pour ce qui est de l’écran, ce que j’ai toujours aimé au contraire, c’est sa rapidité. Pas de séchage, on coupe on colle, on reprend d’anciens morceaux de travaux, on agrandi,… le geste peut suivre une certaine rapidité de l’esprit. Par contre on dépend de l’électricité et de la faible lumière de l’atelier pour travailler. Les images produites sont d’abord immatérielles. C’est intéressant pour la versatilité des modes de rendus : sur écran pour ”Instagram” ou sur papier imprimé pour une expo…
Après, pour ce qui est des expos, ce que j’aime c’est de pouvoir décliner les images que je produit, dans l’espace. Que ces images deviennent de petites architectures… faites de cartons, bois, bâche, peinture, .. Toujours des matériaux sobres…
Que peux-tu partager avec nous concernant tes engagements ?
Mon engagement écologique, c’est mon frère qui l’a suscité à la fin de mes études d’archi’. Cela correspond aussi à ma prise de conscience de mon rapport avec le monde, la politique, les associations, les intellectuels, l’art… Tout cela s’est rapidement traduit par de nouveaux choix de vie, de consommation, de travail, de déplacements, qui ne cessent de se poursuivre aujourd’hui. Avec ma compagne, on essaye aussi localement de développer des projets autour du thème des “villes en transition” ou des mobilités douces sur notre commune.
Quels sont tes futurs projets?
Un seul projet, pouvoir continuer mes recherches … Et essayer de ne pas nuire ! 😉